Grand Tétras : des associations s’opposent aux ultrasons dans la Réserve du Ventron

Dans une lettre adressée à la Préfète des Vosges, plusieurs associations environnementales dénoncent un projet d’installation de dispositifs à ultrasons pour effaroucher les prédateurs autour des nids potentiels de Grand Tétras dans la Réserve Naturelle du Grand Ventron. Elles alertent sur les risques écologiques, juridiques et éthiques d’une telle expérimentation, jugée inefficace et contraire aux textes en vigueur. Voici l'intégralité de la lettre :

Objet : Opposition à l’usage d’ultrasons pour l’effarouchement de prédateurs dans la Réserve Naturelle du Grand Ventron

Madame la Préfète,

Nous vous adressons la présente lettre afin d’exprimer notre vive opposition au projet d’installation de dispositifs d’effarouchement à ultrasons autour de nids potentiels de Grand Tétras dans la Réserve Naturelle Nationale du Massif du Grand Ventron, dans le cadre du programme de réintroduction engagé par le Parc Naturel Régional des Ballons des Vosges.

Cette opération, imaginée pour protéger de possibles nids de Grand Tétras, soulève de lourdes réserves sur les plans écologique, scientifique, réglementaire et éthique.

1. Un dispositif à l’efficacité incertaine et aux risques avérés pour la faune protégée et le Grand Tétras

Il n'existe aucune validation expérimentale rigoureuse de l’usage d’ultrasons pour effaroucher les prédateurs naturels du Grand Tétras dans un contexte de conservation aussi sensible.

• L’efficacité de ces dispositifs est très limitée sur les carnivores visés (renard, martre) du fait de l’atténuation rapide des ultrasons ;
• Ces dispositifs présentent un risque non négligeable de perturbation sur les espèces non cibles, en particulier les chiroptères, tous strictement protégés en France ;
• L’habituation rapide des espèces rend ces techniques inefficaces à moyen terme ;
• L’installation de ces dispositifs implique nécessairement une intervention humaine à proximité des nids en période de couvaison, ce qui constitue une perturbation intentionnelle du Grand Tétras, espèce protégée.

L’article 6 du décret n°89-331 du 22 mai 1989 portant création de la Réserve du Grand Ventron interdit toute forme de dérangement ou d’atteinte aux animaux sauvages, y compris par des moyens sonores. L’article 12 interdit par ailleurs explicitement l’usage d’instruments sonores dans la réserve.

2. Un manquement aux obligations du réseau Natura 2000

La réserve du Grand Ventron est inscrite en zone Natura 2000. À ce titre, toute opération susceptible d’avoir un impact significatif sur les espèces ou les habitats doit obligatoirement faire l’objet d’une évaluation des incidences Natura 2000 (article L414-4 du Code de l’environnement), ainsi que de la consultation du Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel (CSRPN).

À ce jour, aucune évaluation d’incidence n’a été rendue publique, ni aucun avis du CSRPN versé au dossier. Nous constatons également une absence de demande de dérogation espèce protégée. Ces absence constituent un vice de procédure majeur et contreviennent au droit européen et national applicable en zone Natura 2000.

3. Un contournement des causes réelles du déclin du Grand Tétras

Comme rappelé par le CSRPN et le CNPN, les causes profondes de la disparition du Grand Tétras dans les Vosges sont structurelles : dégradation et morcellement de l’habitat, dérangements chroniques liés aux loisirs motorisés et à la fréquentation touristique, déséquilibres sylvo-cynégétiques, et changement climatique.

Plutôt que d’installer des dispositifs techniques aux effets secondaires mal ou non non évalués, une approche cohérente de conservation doit prioritairement viser :

• La restauration des habitats et leur tranquillité ;
• La réduction des facteurs de dérangement ;
• Le renforcement de la protection réglementaire sur les sites de nidification.

En conséquence, nous vous demandons formellement de renoncer à toute opération d’effarouchement par ultrasons dans la Réserve du Grand Ventron tant qu’aucune évaluation d’incidence n’a été conduite et validée, et tant qu’un avis formel du CSRPN n’aura été sollicité.

Dans l’attente de votre réponse, nous restons à disposition pour tout échange constructif fondé sur la transparence scientifique, le respect des textes et la préservation authentique de la biodiversité vosgienne.

Veuillez agréer, Madame la Préfète, l’expression de notre considération respectueuse.

SOS Massif des Vosges, Vosges Nature environnement, Oiseaux Nature, Avenir et Patrimoine 88, Paysage Nature et Patrimoine de la Montagne